L'Adamant Noir - Les maux font l'amour
Prologues
Capucine patientait tant bien que mal devant la porte de l’appartement d’Erik.
Elle possédait un jeu de clé, mais n’osait pas entrer sans y avoir été invitée ; elle avait donc préféré sonner, de crainte que sa visite imprévue ne le dérange.
L’angoisse de la jeune femme augmenta à mesure que son attente derrière le panneau blindé se prolongeait.
Cela faisait plus d’une semaine qu’Erik ne lui avait pas donné signe de vie ; il ne répondait ni à ses appels ni à ses mails ou SMS, et lui rendre visite à l’improviste était toujours un peu délicat.
Mais elle n’y tenait plus ; il lui manquait.
Sans oublier qu’elle était tenaillée par un mauvais pressentiment qui prenait directement sa source dans le comportement récent de son…
Oui, comment définir Erik vis-à-vis d’elle ? Amant ? Oui, sans aucun doute. Et quel amant ! Fougueux et raffiné, excessif et virtuose, tellement doué et… Enfin, jusqu’ici en tout cas.
Son compagnon ?
Peut-être, mais le terme impliquait de passer un minimum de temps ensemble, ainsi qu’une complicité que la jeune femme n’était pas certaine d’avoir reconnue dans leur relation.
Partager sa vie était une expression qu’elle ne pouvait pas non plus utiliser puisqu’ils ne vivaient pas ensemble.
Pourtant elle l’aimait, était folle de ce mec aussi sombre et singulier qu’il était beau et sexy.
Et la question qui ne cessait de tourner dans la tête de Capucine ressemblait plus à : que suis-je pour lui ?
Rien ces derniers jours, en tout cas.
Avec un recul qui lui faisait mal, elle devait bien convenir qu’elle n’avait pas non plus été grand-chose d’autre qu’une partenaire durant tous ceux qui les avaient précédés.
Si la jeune femme connaissait bien Erik et ne se formalisait pas de ses comportements souvent mal perçus par la plupart, elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter.
Parce qu’en dépit de son originalité, il ne déviait que très rarement d’une routine qui lui était nécessaire et que c’était précisément ce qu’il avait fait : il avait brisé les règles qu’il lui avait attachées en propre.
C’était amplement suffisant pour qu’une appréhension germe chez la jeune femme ; Erik avait laissé fleurir le bourgeon et celui-ci prenait désormais beaucoup trop de place dans son cœur et son esprit.
Capucine obtint un début de réponse lorsque la porte s’ouvrit enfin sur un Erik nu comme un ver. Une apparition tellement virile qu’elle aurait pu la faire se pâmer sur le palier, capable aussi de ruiner sa lingerie soit dit en passant. La première réaction de la jeune femme fut pourtant de blêmir.
Cet homme ayant des habitudes de vampire, autrement dit travaillant surtout la nuit et dormant souvent – à poil – le jour, le découvrir déshabillé en pleine journée ne l’aurait ni dérangée ni inquiétée s’il n’avait été passablement essoufflé.
Et ce n’était pas le trajet de sa chambre à la porte d’entrée qui l’avait mis dans cet état.
Pas non plus le sommeil qui l’avait ainsi décoiffé, pas une douche qui avait recouvert son corps puissant et sublime d’un voile humide.
Pas la lumière du jour qui avait déposé des traces de passion dans son regard.
Pas elle non plus à l’origine de son érection.
Capucine s’obligea à fixer les iris bleus baissés sur elle ; un bleu intense, magnétique, mais un regard vide de tout ce qu’elle aurait aimé y lire.
Pas simple de le soutenir avec les yeux emplis de larmes qu’il ne comprendrait sans doute pas.
— Depuis quand ? demanda-t-elle d’une voix douce un peu chevrotante.
— Deux mois, répondit Erik, sans démentir quoi que ce soit ; il ne niait jamais l’évidence.
Sa belle voix de basse faillit avoir raison du peu d’emprise que la jeune femme conservait encore sur elle pour ne pas éclater en sanglots et hurler sa jalousie.
— Où l’as-tu rencontrée ?
— L’Épicurien.
Lequel établissement, très sélect, était avant tout un restaurant et une boîte de nuit qui doublait régulièrement cette activité par celle de club libertin qui proposait des alcôves privatives dédiées aux câlins et plus si affinités à sa clientèle.
Fut un temps où Erik l’avait fréquenté et manifestement le passé n’était plus de mise.
Puis vint la question qu’elle ne voulait pas poser par peur de la réponse. Mais elle devait le faire.
— Et nous ?
La franchise d’Erik était une qualité que Capucine avait appréciée chez lui, même lorsqu’il se montrait trop abrupt. Pas ce jour-là.
Les mots qu’il lui lança avant de se détourner pour la quitter, sans lui accorder l’aumône d’un respect ou d’un égard auxquels elle pensait avoir droit, l’atteignirent dans son amour, dans sa confiance en elle.
Ils allèrent aussi se ficher en plein dans son orgueil de femme et l’estime qu’elle avait d’elle-même.
*
Sept mois plus tard
Hiératique et marmoréen, Erik ne bougea pas d’un cil lorsque son ami s’approcha de lui.
Le crissement du cuir du canapé lorsqu’il s’y assit ne brisa le que silence, pas le marbre apparent.
Car oui, toute cette majesté et toute cette impassibilité n’étaient qu’un leurre. Et un symptôme.
La pénombre accusait ses traits et le pli amer pris par ses lèvres.
Erik était un volcan sur le point d’entrer en éruption et dont la lave charriait tout un tas d’émotions violentes.
Autant dire que la situation était éminemment explosive.
— Tu as réfléchi à la solution que nous avions évoquée ? lui demanda son ami, tout bas.
Erik cessa enfin de fixer méchamment la télévision éteinte.
Ses yeux errèrent un instant sur la table basse, comme si la réponse à cette question était dissimulée dans les veines du marbre vert.
Puis il hocha imperceptiblement la tête.
— Et ?
— Je suis d’accord.
— Tu es sûr de toi ?
Nouvel acquiescement.
— Très bien. Mais si ça ne…
Un coup d’œil aussi bref et dur qu’acéré coupa l’inacceptable éventualité aussi efficacement qu’un coup de hachoir ; elle mourut sur les lèvres qui avaient failli la prononcer.
— OK, OK, partons du principe que ce sera un franc succès. Tu es bien conscient que...
Une fois de plus, le regard bleu intense imposa le silence ; y brillait une lueur que son interlocuteur n’eut aucun mal à interpréter.
Prologues
Capucine patientait tant bien que mal devant la porte de l’appartement d’Erik.
Elle possédait un jeu de clé, mais n’osait pas entrer sans y avoir été invitée ; elle avait donc préféré sonner, de crainte que sa visite imprévue ne le dérange.
L’angoisse de la jeune femme augmenta à mesure que son attente derrière le panneau blindé se prolongeait.
Cela faisait plus d’une semaine qu’Erik ne lui avait pas donné signe de vie ; il ne répondait ni à ses appels ni à ses mails ou SMS, et lui rendre visite à l’improviste était toujours un peu délicat.
Mais elle n’y tenait plus ; il lui manquait.
Sans oublier qu’elle était tenaillée par un mauvais pressentiment qui prenait directement sa source dans le comportement récent de son…
Oui, comment définir Erik vis-à-vis d’elle ? Amant ? Oui, sans aucun doute. Et quel amant ! Fougueux et raffiné, excessif et virtuose, tellement doué et… Enfin, jusqu’ici en tout cas.
Son compagnon ?
Peut-être, mais le terme impliquait de passer un minimum de temps ensemble, ainsi qu’une complicité que la jeune femme n’était pas certaine d’avoir reconnue dans leur relation.
Partager sa vie était une expression qu’elle ne pouvait pas non plus utiliser puisqu’ils ne vivaient pas ensemble.
Pourtant elle l’aimait, était folle de ce mec aussi sombre et singulier qu’il était beau et sexy.
Et la question qui ne cessait de tourner dans la tête de Capucine ressemblait plus à : que suis-je pour lui ?
Rien ces derniers jours, en tout cas.
Avec un recul qui lui faisait mal, elle devait bien convenir qu’elle n’avait pas non plus été grand-chose d’autre qu’une partenaire durant tous ceux qui les avaient précédés.
Si la jeune femme connaissait bien Erik et ne se formalisait pas de ses comportements souvent mal perçus par la plupart, elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter.
Parce qu’en dépit de son originalité, il ne déviait que très rarement d’une routine qui lui était nécessaire et que c’était précisément ce qu’il avait fait : il avait brisé les règles qu’il lui avait attachées en propre.
C’était amplement suffisant pour qu’une appréhension germe chez la jeune femme ; Erik avait laissé fleurir le bourgeon et celui-ci prenait désormais beaucoup trop de place dans son cœur et son esprit.
Capucine obtint un début de réponse lorsque la porte s’ouvrit enfin sur un Erik nu comme un ver. Une apparition tellement virile qu’elle aurait pu la faire se pâmer sur le palier, capable aussi de ruiner sa lingerie soit dit en passant. La première réaction de la jeune femme fut pourtant de blêmir.
Cet homme ayant des habitudes de vampire, autrement dit travaillant surtout la nuit et dormant souvent – à poil – le jour, le découvrir déshabillé en pleine journée ne l’aurait ni dérangée ni inquiétée s’il n’avait été passablement essoufflé.
Et ce n’était pas le trajet de sa chambre à la porte d’entrée qui l’avait mis dans cet état.
Pas non plus le sommeil qui l’avait ainsi décoiffé, pas une douche qui avait recouvert son corps puissant et sublime d’un voile humide.
Pas la lumière du jour qui avait déposé des traces de passion dans son regard.
Pas elle non plus à l’origine de son érection.
Capucine s’obligea à fixer les iris bleus baissés sur elle ; un bleu intense, magnétique, mais un regard vide de tout ce qu’elle aurait aimé y lire.
Pas simple de le soutenir avec les yeux emplis de larmes qu’il ne comprendrait sans doute pas.
— Depuis quand ? demanda-t-elle d’une voix douce un peu chevrotante.
— Deux mois, répondit Erik, sans démentir quoi que ce soit ; il ne niait jamais l’évidence.
Sa belle voix de basse faillit avoir raison du peu d’emprise que la jeune femme conservait encore sur elle pour ne pas éclater en sanglots et hurler sa jalousie.
— Où l’as-tu rencontrée ?
— L’Épicurien.
Lequel établissement, très sélect, était avant tout un restaurant et une boîte de nuit qui doublait régulièrement cette activité par celle de club libertin qui proposait des alcôves privatives dédiées aux câlins et plus si affinités à sa clientèle.
Fut un temps où Erik l’avait fréquenté et manifestement le passé n’était plus de mise.
Puis vint la question qu’elle ne voulait pas poser par peur de la réponse. Mais elle devait le faire.
— Et nous ?
La franchise d’Erik était une qualité que Capucine avait appréciée chez lui, même lorsqu’il se montrait trop abrupt. Pas ce jour-là.
Les mots qu’il lui lança avant de se détourner pour la quitter, sans lui accorder l’aumône d’un respect ou d’un égard auxquels elle pensait avoir droit, l’atteignirent dans son amour, dans sa confiance en elle.
Ils allèrent aussi se ficher en plein dans son orgueil de femme et l’estime qu’elle avait d’elle-même.
*
Sept mois plus tard
Hiératique et marmoréen, Erik ne bougea pas d’un cil lorsque son ami s’approcha de lui.
Le crissement du cuir du canapé lorsqu’il s’y assit ne brisa le que silence, pas le marbre apparent.
Car oui, toute cette majesté et toute cette impassibilité n’étaient qu’un leurre. Et un symptôme.
La pénombre accusait ses traits et le pli amer pris par ses lèvres.
Erik était un volcan sur le point d’entrer en éruption et dont la lave charriait tout un tas d’émotions violentes.
Autant dire que la situation était éminemment explosive.
— Tu as réfléchi à la solution que nous avions évoquée ? lui demanda son ami, tout bas.
Erik cessa enfin de fixer méchamment la télévision éteinte.
Ses yeux errèrent un instant sur la table basse, comme si la réponse à cette question était dissimulée dans les veines du marbre vert.
Puis il hocha imperceptiblement la tête.
— Et ?
— Je suis d’accord.
— Tu es sûr de toi ?
Nouvel acquiescement.
— Très bien. Mais si ça ne…
Un coup d’œil aussi bref et dur qu’acéré coupa l’inacceptable éventualité aussi efficacement qu’un coup de hachoir ; elle mourut sur les lèvres qui avaient failli la prononcer.
— OK, OK, partons du principe que ce sera un franc succès. Tu es bien conscient que...
Une fois de plus, le regard bleu intense imposa le silence ; y brillait une lueur que son interlocuteur n’eut aucun mal à interpréter.